dimanche 4 novembre 2012


C'est l'histoire d'une tortue. Une petite tortue Luth. Elle court maladroitement vers la mer, sans trop savoir pourquoi. Mais puisque les autres le font sans hésitation, alors, elle le fait aussi. De toutes façons, c'est pas comme s'il y a avait dix milliards de trucs à faire, ici. C'est vide, personne se cause, et quelque chose dans l'atmosphère laisse penser qu'il ne vaut mieux pas s'attarder.

En fait c'est surtout que les pagaies encombrantes qui lui servent à se hisser ne sont pas très adaptées à ce terrain, et le bruit de fond de la mer ressemble à un appel. C'est là bas qu'il faut aller.
Elle remarque que parfois ses frères et soeurs s'élèvent dans les airs. C'est très étonnant. Elle essaye de bondir aussi, mais n'y arrive pas. Soudain une masse sombre passe devant ses yeux pour soulever et emporter la tortue qui la précède, elle comprend alors que ce sont les oiseaux qui aident ses congénères à atteindre plus vite l'océan.
Elle s'arrête un moment et se prend à rêver, à savourer cette prise de conscience que la nature est un milieu d'entraide et de générosité. Elle en avait douté, à sa naissance, quelques secondes auparavant. Quel plaisir de pouvoir effacer cette incertitude.

Toutefois, elle s'étonne de voir qu'on ne la choisi pas. Les autres tortues s'envolent, les oiseaux paraissent avides de bénévolat et chacun semble vouloir aider plus que l'autre. Cela dit, en y regardant de plus près, le balai des oiseaux est étrange, et sans forcément inquiéter notre petite tortue, il commence à l'interroger. Pourquoi ne voit-elle aucun oiseau se poser au loin, sur la mer, et y déposer un frère ou une soeur ? C'est quand même troublant. Et pourquoi tant de précipitation dans le transport ? On pourrait au moins prévenir la tortue du voyage aérien, qui doit être traumatisant pour qui découvre à peine la vie, cloué au sol.

Pour cette raison, et puisque la mer n'est maintenant plus très loin, elle décide de se passer du service, et d'arriver à destination par ses propres moyens.
Une ombre passe et fouette le sable devant elle. Surprise, elle tourne la tête et aperçoit un transporteur, qui visiblement l'a manquée, sans pourtant lui adresser de signe d'excuse.

Elle accèlère le rythme, encouragée par de fines gouttelettes qui viennent tapoter le verre de ses lunettes. L'arrivée est proche.
L'ombre repasse, un choc, elle se sent emportée, mais retombe aussitôt et roule dans le sable. Les cheveux salis, elle se redresse, ne manque pas de faire un doigt à l'oiseau maladroit, et fourni ses derniers efforts pour rejoindre l'eau.
Mais la fatigue est là, et ne voulant pas expérimenter un nouveau décollage, elle décide d'abandonner sa carapace. Un fardeau plus qu'autre chose. D'ailleurs, à quoi sert-elle, on se le demande. Quand on veut aller vite, on se racle les coudes et les genoux sur ses bords affutés. Et puis, si on veut regarder derrière soi, on ne voit que son propre dos. L'objet est peut-être design, mais pas très fonctionnel.

Nu, la fraicheur se fait sentir, mais il est plus facile d'avancer. Elle décide, pour optimiser la course, de se dresser sur ses pieds, bien que ses Adidas Riot 3 soient en fin de vie, et pas vraiment confortables. Et puis quitte à être à poil, elle tombe aussi le slip. Les goutelettes ont envahi ses lunettes. Il les jette des deux mains, pour voir la vérité en face, cette mer déchainée qui lui semble de moins en moins la solution. Mais, entre le mystère et l'expérience aérienne avec escale probable dans un gosier, il n'y a pas à hésiter.
Il allonge sa foulée et court vers l'Inconnue. Qui ne lui tend pas vraiment les bras, mais, il ne sait plus trop... la musique du ressac est une invitation à l'échange, et finalement, pourquoi pas. De toutes façons, c'est pas vraiment qu'il a le choix, il se sent attiré, presque rassuré à l'idée d'être englouti, et, au moins temporairement, hors de danger.
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Merchi.