mardi 13 juin 2017
Ma voisine est un soleil

Ah
Vous avez bien fini par croire que c'était fini 
Vous vous disiez que si mon retour se faisait, ce serait par une croûte, une aquarelle poisseuse, un dessin mal équilibré
Manque de bol, c'est encore ma sainte parole qui vient sans tabou aucun vous assener ma vérité
Quoi de neuf, vous allez me dire 
Et bien, que du vieux rénové
Du désespoir marinant dans son jus
Du tragi-comique sauce ail ail ail
J'entends des coups de marteau, je ne sais pas si c'est dehors, ou dans ma tête, je finis par confondre 
Bien sûr dans la vie je ne montre pas tout ça, vous savez comment c'est, vous qui vivez ça aussi 
On a pas envie de se plaindre 
Ou alors il faut savoir transformer sa peine, en faire un matériau intéressant pour l'autre 
Mais quand il y a rien à dire, il y a rien à dire, je préfère me taire

Passons aux choses sérieuses

Il y a trois jours j'ai rencontré ma voisine
Elle est institutrice en maternelle, elle a les yeux de ces femmes qu'on trouve dans les comics, allongés, anguleux, des yeux qui te regardent bien en face, et qui a chacune de ses paroles, viennent chercher ton visage pour y lire ton sentiment, ta réaction
Il ne te fuient pas un seul instant, ils fixent, insistants, ils sont grand ouverts, d'un brun rougeoyant,  et viennent renforcer un sourire quasiment permanent
Parfois elle rit, un rire bref mais tonitruant, une presque explosion, on dirait que le rire a conscience de son potentiel destructeur, comme s'il pouvait faire exploser les vitres
Alors il se mesure en s'arrêtant soudainement
On a l'impression qu'il exprime autant de joie que de rétention, la rétention d'une vie bouillonnante qui ne parvient pas tout à fait à s'installer dans le monde réel
Quand elle parle, elle parle, elle enchaîne, elle rebondit parfois sur ce que je peux dire, c'est-à-dire quelques mots (les miens) qui se mélangent, pas nécessairement dans le bon ordre.
Mais elle à la tendance à se laisser distraire par ses propres pensées, et elle reprend son flot coloré
C'est étonnant, à ses côtés on a autant l'impression d'être réconforté par sa chaleur humaine que de sentir le vent du boulet
Elle a une force de vie qui peut surprendre par sa soudaineté
Même si elle semble ne pas savoir bien utiliser, dans sa vie personnelle, on lui imagine une énergie immense, une sorte de mouvement perpétuel qui a chaque instant renforce sa cadence
Elle a aussi une nonchalance qui installe rapidement la familiarité
Il suffit de se voir deux trois fois, et ça y est, c'est comme si on se connaissait depuis longtemps, il n'y a pas de barrière, l'accueil est simple, chaleureux, l'échange se fait sans manière
Nos maisons sont mitoyennes, de l'autre côté du mur il y a un réacteur nucléaire qui irradie de la sympathie
 Je le sens bourdonner même quand elle n'est pas là, la rémanence de sa vigueur empli les lieux, on peut même si on tends l'oreille, entendre une petite musique pulsative,  on imagine les meubles danser, le bois de la table à manger craquer de plaisir, les fenêtres se gondoler sous le soleil




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